La gamine

La gamine. La gamine elle fait un mètre soixante et sourit de toutes ses dents quand on lui parle. Et quand c’est son tour elle remue, s’arc boute et pousse de grands cris illustratifs. La gamine elle aime l’espace, bouger et loucher. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait quand elle ne sait plus trop quoi dire : elle louche en levant les sourcils très haut, jusqu’au plafond même parfois, enfin c’est ce qu’elle croit. En vérité la gamine c’est un petit rien un peu ridicule. Ses proches lui disent que c’est pour ça qu’ils l’aiment, ils lui disent que quand elle est comme ça et que les passants se retournent ils ont chaud au cœur. Mais ça c’est parfois. Les autres fois, avec d’autres gens, ceux qui ne sont pas les plus proches, elle est une autre. Sourcils froncés, très bas cette fois mais pas trop, bouche close, elle observe, guettant ses proies, écoutant leurs piaillements et détectant les failles. Elle a un don pour les failles, pour conter les failles. Un agneau à ses côtés devient vipère et dissimulée derrière un sourire angélique elle se plait à se dire que se sont les autres qui la pervertissent. Enfin quand elle est chez elle là gamine on ne la voit pas, personne ne saurait dire comment sont ses sourcils. Ils sont toujours cachés derrière un livre, un dessin en cours ou un petit carnet. Vous savez les enfants sont bien souvent des rêveurs solitaires. Elle aussi. Derrière les lettres, se dessine un horizon lointain, un voyage en utopie, son utopie. Le plus souvent quand elle n’a pas cours entre deux heures de littérature, entre deux histoires lointaines, elle s’enferme pour écrire la sienne. Les amis ils sont tous ensemble. Elle aime bien l’odeur du tabac, les chansons du groupe qui prouvent qu’ils sont quand même un peu unis, elle aime bien quand un étranger fait mine de connaître ces très rapides paroles manouches. Mais elle ne reste jamais longtemps, elle sait que bientôt sans y penser se dessinera sur son visage un sourire hypocrite. Elle ne se sent pas à sa place. Elle à tout là gamine, tout ce qu’elle veut. Souvent on dit qu’elle est belle, parfois qu’elle est inatteignable, ça lui fait plaisir. Elle est une bonne menteuse. La gamine elle n’a pas confiance en elle. Pas du tout. Elle se traîne des fardeaux, des trucs qui viennent de sa tête et perturbent son bel équilibre. Le problème c’est qu’elle à un principe, ce n’est pas une fille de principes mais celui là elle y tient : assume les problèmes que tu t’attires, pleure uniquement ceux auxquels tu ne peux rien changer. Alors le loup pleure en solitaire. Mais c’est dur parfois de si peu savoir qui on est, je ne sais pas qui je suis, je suis juste une gamine parmi tant d’autres.