Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Infime
Infime
Publicité
16 août 2015

Gamberger

 

Je me suis imaginée dans mon lit. Les deux fenêtres de ma chambre  ,grandes ouvertes au dessus de ma tête, dévoilant le rideau opaque de la nuit sur lequel s’accrochent des étoiles puissantes. Je me suis imaginée les draps frais caresser ma peau nue et l’ordinateur réchauffer mes cuisses en déroulant un scénario ardant. Les veilleuses sont chaudes. Nous avons passé la journée en montagne dans le refuge des week end.  Dodie et Boubou sont restés là haut. Je suis allée au restaurant avec Y, L et S.

Seule à la maison.

 Je m’introduis dans une chambre troublée marquée par mes expériences photographiques nocturnes. Tout est de travers. J’aime l’ordre. Je range. Je vais, je viens entre ma chambre de bonne et notre appartement. Il n’y a pas de lumière. Je suis seule dans ce couloir et je n’en ai rien à faire des ampoules cassées. Je me sens observée, droit en face. Je suis toute seule. L’immeuble est silencieux. On m’épie. La monstrueuse impression que quelqu’un se cache dans mon dos m’étreint. Et ce qui n’a toujours duré qu’une seconde m’accompagne toute la nuit. Je gamberge.  Je suis face à moi. Sans ordinateur, sans portable, sans radio, sans télé, sans musique, sans personne. Et je gamberge. Il fait frais. Mes pensées libres m’expulsent dans une nouvelle de Maupassant. Tout m’angoisse.

Je travail dans le social ce mois ci. Je range, je trie, je classe, je jette des pans de vie. Je les lie. Je leur en veux souvent. Je leur en veux de solliciter une aide alimentaire au retour des vacances où de faire dix enfants placés. Et puis parfois je ne leur en veux pas, j’apprends la misère. J’ignore mon paysage quotidien plus que toutes les contrées lointaines. Je ne peux pas trop en parler. Je ne peux pas trop parler non plus du dossier de cette très bonne copine sur lequel je suis tombée.

Tout m’angoisse.

Une école de campagne effondrée en Chine. Un gouvernement qui n’envoie aucun secouriste. Un artiste qui récupère des débris.

Tout m’angoisse.

Je pense à cet ami de Gaza étudiant, ouvrier, cuistot. A ce garçon multifonctions qui a quitté sa famille. A cet ami aux mains d’étrangleur. 

A cette copine qui a tout mais qui aimerait un psy en plus.

Tout m’angoisse.

Je pense à la folle théorie de N. : quand on meurt, c’est fini.  Sans âme qui angoisse ? Des signaux électriques qui suivent les règles de la sociologie ?

A propos de sociologie je me suis aussi gonflée. Je suis consommatrice d’idéaux alternatifs. Je suis l’Europe riche qui cherche la bohème. Je ne me supporte pas.  Je suis effondrée sur le canapé. Le chat saute sur mes genoux. J’enfoui ma tête dans son pelage. Il remonte doucement de mes cuisses à mon épaule et vient s’enrouler autour de moi comme un écharpe. Je ferme les yeux et j’écoute son ronronnement. Je sens sont petit corps se gonfler, se dégonfler. Je sens ses griffes sur mon épaule.

Demain tout ira mieux.

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Un p'tit coup de griffe et ça repart ! Bisou ma belle écrivaine...
Publicité