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Infime
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2 janvier 2015

Le cœur serré du crocodile

Mogwai - Take Me Somewhere Nice

 

 

Le départ était plein d’espoirs. Le crocodile se ferait patte de velours pour serrer son petit bout, embrasser sa grande dame. Je voulais revoir la neige, lire sous la couette. Faire des gâteaux et revoir mon amie d’enfance. Pleurer dans ses bras. Ne rien lui dire parce qu’elle sait déjà tout. Revoir les copines et rigoler. Parler comme avant. Parler du lycée, d’un grain de sable sous une chaussure, d’un petit poids trop cuit la veille, d’une bière qui aurait perdu ses bulles, d’un chat qui pète. Comme avant.

Chacun doit m’attendre comme je les attends tous. J’ai aimé m’imaginer leurs sourires, leurs rires, leurs voix, les imaginer unis. Idéaliser mon avant comme on le fait pour les lointains souvenirs. Oublier que mon avant est encore leur présent. Je suis plus heureuse que jamais et j’aime me dire que je suis nostalgique. Tout devient plus beau ici, même le révolu.

Mais comme avant quand le temps passe c’est impossible. Et moi je ne comprends plus.

Et le crocodile craque. Et la grande dame ose lui demander pourquoi.

Pourquoi je pleure ? Je pleure parce que je ne sais pas pourquoi, je pleure parce que j’ai tout et que je pleure voilà tout. Je pleure parce que j’ai horriblement peur. J’ai horriblement peur d’ici chez vous. J’ai peur parce que je n’y comprends rien. Je ne comprends pas pourquoi les bras se baissent avant d’avoir tenter de se lever. Pourquoi les pieds se traînent. Pourquoi les langues s’agitent et crachent leurs vipères ragaillardies par l’ennui. Pourquoi elles s’entremêlent parfois et jouent les adultes raisonnables et responsables. Je ne comprends pas où sont passés tous les rêves, je ne sais plus si ils ont existés, je m’en veux. Je m’en veux de tant leur en vouloir, de si peu comprendre.  Les larmes du crocodile sont amères et jalouses. Jalouse du bonheur simple. Des vacances dans le sud de la France en amoureux, des dimanches en pyjama, du shopping le samedi après midi, des closers, de pimkie, du vernis à ongles, du cinéma en amoureux. Jalouse de ne pas aimer.

Le crocodile aime les grands frissons, les avions et pleurer. Mais ça rime à quoi tout ça ? C’est terriblement compliqué et puis quoi ?

J’aime tous ces vestiges de mon enfance qui regardent les gens passer et qui les trouvent ridicules, qui traînent leurs chaussons sur du lino bleu et vont dans le sud en amoureux. Je les aime d’un amour profond. Mais je veux encore me rouler dans la neige et penser que tout est possible. Peut être qu’ils se disent que je n’ai pas grandit mais qu’eux non plus ne veulent pas me perdre. L’hypocrisie soigne des amitiés trop longtemps entretenues pour être gâchées si vite. Et moi je pleure. Je ne veux pas grandir si c’est ça.

Je pleure aussi parce que les yeux de la grande dame sont secs. Je pleure pour elle, pour le petit. J’aurais aimé que la grande dame me parle de ses rêves, de sa jeunesse, de l’amour, qu’elle me dise qu’il existe et puis plus tard qu’elle me prenne dans ses bras, qu’elle dise qu’il est aussi pour moi, que je ne dois pas avoir peur, j’aurais aimé qu’elle devine tout et plus encore, et qu’elle me réponde. J’aurais aimé l’impossible. J’aurais aimé savoir qu’elle à des rêves. J’aurais aimé que le petit me confie les siens. J’aurais aimé que tout ça me fasse me sentir un peu moins seule. Et je me suis sentie stupide. Orgueil immense que de croire que l’on est le dernier être évanescent vêtu de l’étoffe des rêves. Bientôt les lacs brilleront sous la lumière chaude du soleil couchant, l’avion se posera et je marcherais dans le froid. Et là je serais bien, nostalgique de là bas avec déjà l’envie d’y retourner. De rattraper. 

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Commentaires
M
Merci pour ce beau texte. La grande dame aux yeux secs (mais pas au coeur sec) t'écrira demain. Bonne nuit ma petite demoiselle aux yeux étoilés...
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